Association pour la protection et la mise en valeur de Calvisson et de la Vaunage
12 Septembre 2023
Vers 1560, le nombre des réformés s'est beaucoup accru, surtout dans les villes et loin de Paris : dans le Dauphiné, le Vivarais, les Cévennes et le Languedoc, la Guyenne, le Poitou et la Saintonge. On commence à les désigner par le sobriquet de « huguenots » (sans doute, de « idgenossen » : confédérés suisses). Le poids nouveau des réformés, fort d'une bonne partie de la noblesse, et la mort imprévue de HENRI II (1559), ouvrant une période de fragilité du royal, changent la donne. Contrariés par la famille des Guise, catholiques zélés, des nobles huguenots vont jusqu'à tenter un coup de force (conspiration d’Amboise, mars 1560). Bravant les lois, les réformés n’hésitent plus à participer à des prêches au grand jour. Dans plusieurs villes, ils s'emparent d'églises ou chapelles, qu'ils vident des autels et statues. L'amiral Gaspard de COLIGNY, nouveau réformé, réclame la liberté de culte.
Conseillée par son chancelier Michel de L’HOPITAL, la régente Catherine de MÉDICIS tente une stratégie de concorde religieuse (colloque de Poissy), puis se résigne à un régime de coexistence entre catholiques et réformés, signant en janvier 1562 un édit qui accorde à « ceux de la nouvelle religion » la liberté de culte hors des villes. Du point de vue des autorités de l'église romaine et de ses fidèles, cet édit de tolérance contredit le concile de Trente (1545-1563) qui a déjà jeté l’anathème sur l'hérésie de LUTHER et de CALVIN. Insupportable à la majorité catholique, l’édit de janvier déclenche une série de guerres de Religions.
Ces guerres vont durer près de quarante ans. Les partis catholique et protestant, encadrés par des familles nobles rivales, se sont affrontés pour le contrôle de l’état, le statut et la religion réformée, dans le royaume. À côté des opérations militaires ou dans leur sillage, des violences incontrôlées ont soulevé des foules catholiques et protestantes : ainsi, du côté des réformés, en 1562 surtout, les destructions d’images dans les églises « iconoclasme » ; du côté catholique, les massacres de la Saint-Barthélemy, en 1572. Plusieurs traités de pacification successifs ont organisé brièvement une coexistence entre la majorité catholique et la minorité réformée. C'est l'un de ces traités, en 1573, qui a imposé la désignation de la religion réformée comme « religion prétendue réformée» « R. P. R. ». Le roi HENRI IV, un Bourbon réformé qui a dû se faire catholique pour conquérir la couronne, réussit à mettre fin à ces guerres par l'édit de Nantes, signé en 1598.
Tableau de François Dubois (1529-1584). A gauche, la Seine charriant cadavres et blessés. Au centre, au fond, Catherine de Médicis devant le château du Louvre. A droite, Gaspard de Coligny défenestré, puis son cadavre émasculé. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts.
En dépit de l'hostilité de l'église catholique au régime de tolérance, l'édit de Nantes ne sera remis en question, ni après l'assassinat de HENRI IV en 1610, ni à la suite des nouvelles guerres de Religions des années 1620-1629, animées par Henri de ROHAN à la tête du parti protestant. Certes, les dernières places de sûreté huguenotes ont été supprimées, à la paix de Nîmes (1629). Mais le dispositif de protection organisé par l'édit de Nantes a permis aux protestants minoritaires de trouver leur place dans le royaume catholique, pendant près d'un siècle.
L’édit confirme la religion catholique comme la religion officielle du royaume et aménage des espaces de liberté pour « ceux de la R.P.R. » « religion prétendue réformée », c'est-à-dire les réformés :
• Liberté de conscience
• Liberté de culte limitée à certains lieux
• Chez les seigneurs ayant le droit de « haute justice »
• Dans les villes où le culte réformé était célébré depuis un certain temps
• Dans les faubourgs de deux villes par baillage ou sénéchaussée
Des interdictions spéciales concernent Paris et sa banlieue, et les terres des grands seigneurs ligueurs.
• L’égalité d’accès aux charges et offices publics
• L'égalité devant la justice (par l'institution de chambres paritaires adjointes aux parlements). En outre, une centaine de places fortes encore aux mains des réformés leurs sont laissées pour une période de huit ans, comme « sûreté », le temps que la paix fasse ses preuves. Les dernières places de sûreté n'ont été supprimées qu'à la paix d'Alès (1629), après les nouvelles guerres de Religions au début du règne de Louis XIII.
La révocation de l'édit de Nantes en octobre 1685 est venue de loin, poussée par les assemblées du clergé, engagée par LOUIS XIV dès les années 1660 et surtout après la paix de Nimègue. En 1679 pièce à pièce, l'édit de Nantes a été démantelé : exercices de culte supprimés, temples rasés, collèges et écoles fermés, synodes surveillés, charges, offices et même métiers fermés. La pression aux conversions s'est exercée par tous les moyens : maisons de conversion (fondées par les Compagnies de la Propagation de la foi), aides financières « caisse des économats », « dragonnades » (logement forcé de compagnies de cavalerie chez les huguenots, méthode expérimentée en Poitou en 1681).
Tout s'est accéléré après l'assemblée du clergé de 1682 : où les évêques obtinrent l'appui du roi pour enjoindre aux réformés de renoncer à leur schisme et de « se réconcilier à l'église ». Afin de hâter la réconciliation, les déclarations et les arrêts tombent alors comme grêle contre les pasteurs, les lieux de culte, les « fugitifs » (émigrés). Les troupes démobilisées à la suite de la trêve de Ratisbonne avec l'Espagne sont employées en Béarn pour de nouvelles dragonnades (mars-juillet 1685), puis en Poitou, en Guyenne, en Languedoc, Cévennes, Dauphiné (septembre-octobre 1685). La terreur des dragons déclenche des vagues de conversions, par villages entiers, dont l'écho parvient à la Cour : pour un peu la France deviendrait « toute catholique ». Signé en octobre 1685, l'édit de Fontainebleau révoquant l'édit de Nantes, n'a d'autre but que d'accélérer l'irrésistible mouvement de disparition de la R.P.R.
Dès la publication de l'édit, les temples subsistants sont rasés et les pasteurs « opiniâtres » expulsés (sur quelques 780 pasteurs, en activité ou « déchargés », encore en France à ce moment-là, 620 partent pour l’exil ; 160 abjurent, dont 130 définitivement). Avec ces mesures à exécution immédiate, il s'agit de casser tous les cadres de la R.P.R., pour dissoudre l'« hérésie ». Sur quelque 750 000 réformés, plusieurs dizaines de milliers avaient déjà abjuré, individuellement ou collectivement, dans les mois précédant l'édit de Fontainebleau. L'édit publié, la pression à la conversion ne se relâche pas : missionnaires et dragons visitent systématiquement les villages et les bourgs habités par des réformés pour recueillir leurs abjurations ; à Paris, dans le même but, le lieutenant fait procéder à des rafles sur liste des réformés. En quelques mois, des centaines de milliers de ceux de la R.P.R. sont devenus N.C. « nouveaux convertis » ou « nouveaux catholiques ».
L'abjuration, verrouillée juridiquement par les peines portées contre les « relaps », place les N.C. sous contrôle. Pour leur instruction religieuse, le roi fait distribuer massivement des explications de la messe en français, et même le nouveau testament dans une traduction autorisée, afin de contrer les mauvaises lectures hérétiques. Leur assistance à la messe et leur communion pascale sont surveillées. De même leur maladie et leur mort : le refus de l'extrême-onction est un crime de relaps aggravé, passible, en cas de rétablissement du malade, de la peine des galères pour les hommes, de la prison pour les femmes, en cas de mort, de peines frappant non seulement le cadavre, « traîné sur la claie et jeté à la voirie », mais aussi les héritiers, par la confiscation des biens du défunt (déclaration d'avril 1686, modérée il est vrai en février 1687).
Que leurs parents soient N.C. ou encore de la R.P.R., tous les enfants nés depuis octobre 1685 doivent être baptisés et élevés dans l’église catholique. Deux textes de 1686 étendent l'obligation catholique aux enfants entre 5 et 16 ans : ils doivent être envoyés au catéchisme, et au cas où ils y manqueraient, être soustraits à l'autorité parentale et remis par les juges, soit aux mains de parents catholiques, soit dans des collèges, couvents ou hôpitaux (édit de janvier 1686 et déclaration de mai 1686).
Sous l'orage de 1685-1686, les réformés dans leur très grande majorité ont plié, en devenant N. C.. Cependant presque aussitôt ils ont tenté de se soustraire à l'obligation catholique, en désobéissants aux lois de différentes manières.
L'une des formes de la désobéissance est la fuite. En dépit des interdictions réitérées depuis 1669, et de la surveillance des frontières, les dragonnades et l'édit de Fontainebleau déclenchent des vagues d'émigration sans précédent. Au point qu'une nouvelle déclaration doit être publiée en mai 1686, pour étendre aux N.C. et à ceux qui en « favorisent l’évasion », les peines prévues par l’édit de Fontainebleau pour « ceux de la R.P.R. » : galères pour les hommes, prison pour les femmes, confiscation des biens pour tous ; puis une autre en octobre 1687, prévoyant cette fois la peine de mort pour les passeurs. Il n'empêche : par la mer, par les routes ou les sentiers de montagne, des hommes, des familles, souvent des villages entiers fuient, cherchant à gagner les Pays-Bas , l’ Angleterre, Genève, la Suisse, l'Allemagne. L'exode, torrentiel dans les années 1685-1688, n'a pas cessé jusqu'au milieu du XVIII" siècle, reprenant après chaque poussée de répression. On estime à 200 000 le nombre de ceux qui ont ainsi émigré dans les pays du « Refuge » entre 1685 et 1715.
Dans les régions où les communautés réformées étaient nombreuses et solidement implantées avant 1685, les conduites de résistance à l'obligation catholique prennent de multiples formes, le plus souvent passives, mais aussi, à l'occasion, actives, voire violentes. Plusieurs générations, pendant un siècle, vivront ainsi plus ou moins clandestinement la religion interdite, au « Désert ». C'est dans les Cévennes et la plaine du Bas-Languedoc (d'Uzès à Montpellier), région de maquis et de dense peuplement protestant, que la métaphore a pris tout son sens.
Désert
Le « Désert » fait partie du « patois de Canaan », de ces expressions empruntées à la Bible qui particularisent le langage des protestants français depuis la fin du XVIe siècle. À partir du milieu du XIXème siècle, ce vocable désigne une période historique large: le temps où la religion réformée était interdite, sous les règnes de Louis XIV et de ses successeurs, de l'édit de Fontainebleau révoquant l'édit de Nantes en 1685, jusqu'à l'édit « de tolérance », en 1787.
Dans les messages rédigés par les camisards, dès 1702, l'adresse qu'ils indiquent, préservant l'anonymat, est toujours « au désert »,
Tout en ayant fait beaucoup de bruit, la guerre des camisards a occupé peu d’espace et peu de temps continu. Cette guerre qui a opposé quelques milliers de protestants cévenols aux armées de LOUIS XIV est restée cantonnée aux Cévennes avec une partie du Bas-Languedoc, en dépit de tentatives d’extension en Vivarais et en Rouergue. Elle s’est limitée à deux années d'opérations militaires, achevée par des redditions : de septembre 1702 à fin 1704. Cependant, la première troupe d'insurgés s'est formée en juillet 1702 avec pour acte inaugural le meurtre de l'abbé du CHAYLA. Quant au terme, il peut être placé bien plus tard, si l'on prend en compte les rebonds de la guerre, jusqu'en 1710.
L'excès de répression, ajouté à la pression des prêtres-éducateurs, poussa les inspirés à annoncer l'imminence de l'apocalypse, la lutte finale. L'un de ces prophètes, Abraham MAZEL, cardeur de laine de Saint-Jean du Gard, évoque dans ses mémoires « la voix de ce grand nombre d'inspirés qui criaient dans les villes et à la campagne : Amendez-vous, repentez-vous, n'allez plus à la messe, renoncez à l’idolâtrie, qui prédisaient la destruction de l'empire du diable, de la bête et du faux prophète, que de grandes calamités allaient tomber sur le pays, que les églises seraient brûlées et des lieux habités seraient rendus déserts, qu'il y aurait grande désolation, et que par le fer et par le feu on ferait de grands ravages ». Il décrit un tournant dans les premiers mois de 1702 : plusieurs inspirations l'avertirent de se préparer au combat armé contre les persécuteurs.
Le 22 juillet 1702, après avoir fait une assemblée dans le secteur du Bougès, MAZEL et quelques autres inspirés, dont Pierre SÉGUIER, appelé « Esprit », reçurent une inspiration extraordinaire » : l'ordre de préparer une expédition armée pour délivrer des « frères » emprisonnés par l'abbé du CHAYLA. C'est deux jours plus tard qu'ils passent à l'action, et qu'est mis à mort l'abbé persécuteur. Sur ce, ils s'enfuient. En chemin, sur de nouvelles inspirations, ils tuent le curé de Frutgères, mettent le feu à sa maison, brisent et brûlent « images et objets d'idolâtrie » dans l'église, et renouvellent ce scénario à Saint¬André-de-Lancize. Leur course s'arrête après l'attaque du château de la Devèze, cette fois pour se saisir d'armes, mais l'opération tourne au massacre de la famille, réputée avoir fait « beaucoup de mal aux protestants ».
Contre les « attroupés » meurtriers et sacrilèges, le comte de BROGLIE, commandant militaire de la province du Languedoc, accourt de Montpellier. Il confie au capitaine POUL, à la tête d'un corps d'élite, le soin de se saisir des rebelles en fuite. POUL réussit à mettre la main sur Esprit SÉGUIER et deux de ses compagnons, au plan de Fontmort.
Ceux-ci sont jugés et condamnés à mort. SÉGUIER, le poing droit coupé, chante un psaume avant d'être brûlé vif (12 août 1702). Une vague d'arrestations et de jugements sommaires complète les mesures d'intimidation à l'encontre des N.C. des Cévennes.
Presque au même moment (13 août 1702), à l'autre bout de la province, dans la plaine, le baron de SAINT-COME, nouveau converti « collaborateur », est assassiné à coups de pierres par une poignée de jeunes gens du Cailar et de Vauvert, parmi lesquels Abdias Maurel, appelé plus tard Catinat. Aussitôt BÅVILLE veille à faire arrêter et rouer vif l'un des jeunes, pour l'exemple.
Cependant, dès la fin août, la jonction se fait entre les rebelles des Hautes-Cévennes, remobilisés par Gédéon LAPORTE, ancien soldat, et d'autres rassemblés du côté d’Uzès par Jean CAVALIER, garçon boulanger du village de Ribaute (près d'Anduze), inspiré, de retour de Genève. Derrière les chefs improvisés, les groupes s'organisent et raflent des armes. L'insurrection prend des allures de guerre.
D'un côté, ceux que l'on désigne au début, péjorativement « fanatiques » ou « osards » (les audacieux ?), de façon plus neutre « malcontents » ou à partir de janvier 1703, sans connotation péjorative ; « camisards ». À l'automne 1702, ils forment de petits groupes de 60 à 100 hommes, au plus 300 quand ils se rassemblent. À leur tête, plusieurs des meneurs de l'expédition du Pont-de-Montvert : Gédéon LAPORTE (tué dès octobre 1702), Abraham MAZEL, Salomon COUDERC, Nicolas JOUANY et, deux jeunes gens qui vont devenir les deux principaux chefs: Jean CAVALIER, rejoint en octobre 1702 par Pierre LAPORTE, dit « ROLAND », de Mialet, inspiré lui aussi, qui s'emploie à recruter des hommes dans la Vaunage. Aux premiers mois de 1703, de nouveaux noms (noms de guerre souvent) se signalent : CASTANET, CATINAT et RAVANEL, puis La FLEUR, CLARIS, BONBOUNNOUX. Tous ces chefs sont jeunes (pour la plupart âgés de 20 à 25 ans). Comme leurs troupes, ils sont de familles de paysans ou artisans du textile des Cévennes,
Venus des montagnes et vallées, ou de la plaine (« pays bas » ou Vaunage, et Uzège), quelques-uns ont servi dans l'armée.
Dès janvier 1703, les effectifs gonflent, les troupes se répartissent par secteur. Dans la plaine, la troupe de CAVALIER passe de 200 a 700 hommes, avec l'appoint d'une cinquantaine de cavaliers menés par CATINAT.
Si l'effectif des troupes camisardes n'a dépassé le millier d'hommes qu'en de rares occasions, le total de ceux qui ont participé à un moment ou à un autre aux combats, entre 1702 et 1705, peut être estimé entre 7500 et 10000, soit 20 à 30 % des N.C. masculins de plus de 18 ans (dans le cadre des cinq diocèses des Cévennes et du Bas-Languedoc).
Pierre ROLAND a pu constituer une base de données comportant plus de 1600 notices individuelles de camisards. 54 % d'entre eux ont moins de 25 ans au moment des faits, ce qui indique une implication massive de la jeunesse chez les N.C., surtout dans les diocèses d'Uzès et de Mende. Presque tous sont des ruraux ou semi-ruraux, habitants des hameaux ou petits bourgs ; les deux tiers sont artisans, surtout du textile (cardeurs, tisserands, peigneurs de laine), un tiers bergers ou travailleurs de la terre. Globalement, l'élite sociale des N.C., dans les villes et les châteaux, est restée à l'écart du mouvement, quand elle ne s'est pas engagée du côté de la répression.
Dans cette base de données, on ne compte qu'une soixantaine de femmes. Cependant les femmes mêlées aux camisards ont été à coup sûr plus nombreuses, femmes, sœurs ou mères de camisards, souvent prophétesses, telles « la grande MARIE », pendue en 1704, ou Marie « LA BLONDINE », capturée en 1705. Certaines suivaient les troupes, maniant le sabre ou jetant des pierres à l'occasion. La plupart les aidaient en assurant le ravitaillement, en dépit des interdictions assorties des menaces les plus graves.
Parmi les camisards, beaucoup étaient « inspirés », ayant « le don » d'exhorter, d'annoncer les événements à venir, de deviner les traîtres. Et parmi eux, certains prêchaient devant la troupe et faisaient des assemblées.
Sur les 19 chefs camisards de la liste dressée par MARION en 1710, 13 étaient inspirés. Une autre liste de MARION donne 63 hommes et au moins 17 femmes qui, chez les camisard, avaient reçu « le don » de la prédication. Ces prédicants-prophètes savaient-ils lire ? C'était le cas de CAVALIER, de CASTANET, de Jean ABRIC, de JOUANY ; ROLAND avait de la difficulté à écrire, de même que MAZEL ; caché dans les bois à l'automne 1704, CLARIS avait emporté un ABC pour apprendre à lire, et BONBONNOUX n'apprendra à lire qu'en 1709 (à l'âge de 36 ans). Mais sur ce plan la quantification c'est impossible.
C’est la troupe la plus organisée, CAVALIER ayant sous ses ordres plusieurs « brigadiers » tels RASTELET, CATINAT, RAVANEL, BONBONNOUX et des distributeurs de vivres (tel CLARIS), presque tous prophètes ou prédicateurs, tenant régulièrement des assemblées. Dans les montagnes et les vallées, une dizaine de troupes opèrent isolément, ou à plusieurs : celle de Roland dans les Basses-Cévennes, de 300 à 400 hommes, grossie de 50 à 100 hommes de Mazel ; celle de Jouany au nord du Bougès de 300 à 400 hommes et celle de Castanet, plus modeste, dans l'Aigoual. En juillet 1704, après la soumission de CAVALIER et les défections, ROLAND rassemblant les troupes restantes, disait pouvoir compter sur 1200 hommes.
En face des camisards, agissant de concert, les représentants de l'autorité royale dans la province: l'intendant BÅVILLE (en poste pendant toute la période), et le commandant militaire du Languedoc, successivement le comte de BROGLIE, le maréchal de MONTREVEL et le maréchal de VILLARS. Sous le commandant militaire, à l'automne 1702 : les « milices bourgeoises formées d'anciens catholiques », 18 « compagnies franches » de fusiliers (infanterie) et de dragons (à cheval). En mars 1703 : 21 bataillons de fusiliers (dont les miquelets, fusiliers de montagne) et 3 régiments de dragons, soit quelque 20 000 soldats, sans compter l'appoint des milices bourgeoises. Jusqu'à l'été 1704 : de nouvelles compagnies de fusiliers et de miquelets arrivant en renfort.
À partir de février 1703, deux autres groupes d'acteurs entrent en jeu : les « puissances étrangères » en guerre contre la France, l'Angleterre surtout, au centre d'un réseau Genève-Londres-Amsterdam-Berlin, aux côtés des camisards par une activité de propagande et plus furtivement par un soutien militaire ; de l'autre côté, engagées dans une lutte anti- camisards à outrance, des milices catholiques autonomes, « Florentins », « partisans », « Cadets de la Croix ».
Sources
- Mémoires du colonel Cavalier sur la guerre des camisards. Édition du manuscrit original de La Haye. Réimpression de février 2011 sur les presses de Présence Graphique à Monts (Indre et Loire).
- Comprendre la révolte des Camisards Marianne Carbonnier-Burkard (Éditions Ouest-France, 2008)
- La révolte des camisards, Paul Astruc (Presses du Languedoc/Loubatières)