Association pour la protection et la mise en valeur de Calvisson et de la Vaunage
18 Novembre 2021
Le texte ci-dessous est tiré (avec son autorisation) de l’étude faites par Monsieur Guy Serres sur son blog : 👉 Calvisson vu par Guy S. Il nous apporte ainsi un complément d’informations sur les premiers lieux de prières de la communauté protestantes.
L'Histoire dit qu'en 1318, les deux consuls de notre ville, Jean Coiran et Guillaume Montredon, sont enlevés, "à la cabane de Bédilhan", par les gens d’armes du Seigneur d'Uzès, alors en conflit de prééminence de justice avec le Seigneur de Calvisson, Raymond de Nogaret.
Deux consuls "nommés" directement par les habitants assemblés en "conseil général" (en ce temps là, on ne dit pas "élection"). Un "mode de sélection" simple : sont Premier et Second Consuls ceux qui ont été "nommés" le plus souvent ; les suivants sont conseillers, à concurrence du nombre, variable au fil du temps, composant le conseil.
Plus tard, le *système électoral* se compliquera pour devenir plus *sélectif* ...
Où les réunions se tenaient-elles ?
Difficile, voire impossible, d’en trouver le lieu. À cette époque la Ville et ses habitants étaient installés au "fort vieux au-dessus du village (compoix de 1588) … ruiné à l’occasion des guerres … ne demeurant que les seules ruines, les vestiges et les apparences des anciens fondements ... Source : (Mme de Castelane, veuve du Baron Pierre de Louet, en 1571)
En mai 1482, pour attribuer le "prix-fait" (marché de travaux) qui poursuit la transformation de l'église Saint-Saturnin (agrandissement et passage d'une architecture romane à une architecture ogivale, mais pas dans sa forme actuelle) le conseil consulaire est assemblé dans "la maison commune", sans que soit précisé son emplacement.
Des conseils se seraient-ils tenus un peu plus tard dans cette "église neuve" ? Peut-être, car en juillet 1489, devant notaire, le Prieur Dominique BARON notifie aux consuls des "lettres monitoires" de l'évêque de Nîmes pour que "les habitants ne (la) profanent plus" et que "les conseils généraux et privés ne soient plus tenus en ce lieu".
La première mention authentifiée d’un lieu de réunion "officiel" de la communauté se trouve au compoix diocésain de 1548 :
"à la plasse … le four et maison commune … confronte du levant la plasse … du marin la carriere de la Fabrerie (appelée aussi, comme aujourd'hui, la rue de l’Hôpital).
Il y avait même une pièce servant de "cachot" ...
Les compoix de 1588 et de 1664 la situent au même endroit, reporté dans l'image ci-dessous sur un extrait du plan Napoléon de 1835.
(Extrait d’un texte d’Aimé Daniel Rabinet, dans le « Bulletin de la Société d’Histoire du protestantisme de juillet-septembre 1966 » (pages 250 à 263 -264 à 271) Nous ne savons pas avec précision à quelle date le premier temple fut construit à Calvisson. La seule trace que nous ayons est un document rédigé par le notaire PETRAS à l’époque de la guerre des Camisards (1702-1710 :
« J’ay remarqué, dit-il", par des veilles (sic) actes que la Religion protestante ne parust icy qu’environ l’année 1560 et qu’il n’y avoit point de temple en 1580, q'on disoit le presche dans un moulin appelé le moulin de la ville ».
En 1590 c’est le local situé à côté du moulin à huile qui fut choisi et transformé. Ce voisinage ne fut pas sans inconvénients car en 1644, on se plaignait du bruit qui s’y faisait pendant les offices. Cette difficulté, et, sans doute, l’étroitesse des dimensions de l’édifice, firent envisager la construction d'un nouveau lieu de culte.
Une autre hypothèse situerait place du pont, le temple sur la façade de laquelle fut découpée la petite plaque qui nous reste aujourd’hui et qui porte l’inscription :
Aime Dieu et
ton prochain
côme toy meme
1595
de may
Le 3 mai 1648, le Conseil de la communauté donna mandat au viguier Durand DUCROS afin de demander au seigneur, le marquis de NOGARET, l’autorisation d’acquérir, en vue de la construction d’un temple, la maison du sieur BOUCOIRAN. Cette maison avait été achetée précédemment par le marquis, à Louis de CALVIÈRE, seigneur de Leaugue et de Boucoiran.
La construction du Temple, sur l’emplacement de cette maison, commença le 1er février 1649.
On utilisa alors des éléments du « temple vieux » qui avait été partiellement démoli et qui était situé dans le quartier dit « du pont ».
Le nouveau temple était fermé par deux grandes portes, recouvertes, semble-t-il d’un blindage de fer blanc en forme de double croix. Il était pavé de « bards » (dalles), Ces dalles, au nombre de 400, avaient été fournies, avec toute la pierre nécessaire à la bâtisse, aux balustres et aux colonnes de la tribune par Pierre REYNAUD carrier de Mus.
En outre, « deux degrés avaient été établis par eux à lantour des quatre muraifhes (pour servir) de sièges, le premier de deux pans et demy d'aulteur (environ 60 cm) et l'autre de cinq pans , (environ 1 m 20). »
Il ressort de cette description que ce Temple de Calvisson avait un aspect monumental. Il devait desservir une importante agglomération qui ne comprenait pas moins, suivant une statistique établie sans doute en 1665, de 3000 protestants, le nombre des catholiques de la localité ne dépassant pas 400. À lire la description ainsi donnée de ce nouvel édifice, il ne peut manquer de venir à l’idée que le temple actuel reproduit dans ses grandes lignes celui qui avait été bâti sous le régime issu de l'Édit de Nantes.
Le terrain sur lequel est bâti le temple de Calvisson est en forte pente : alors que l’entrée (à l'ouest, comme celle d'une église régulièrement orientée est de plain-pied, toute la nef se trouve surélevée par rapport au sol et portée par des substructions qui ont pour objet de racheter la déclivité.
Ce premier grand temple ne survécu pas à la Révocation de l’Édit de Nantes. L’arrêt du Roy (Louis XIV) du 30 août 1685 spécifiait que le temple serait « démoly jusqu’au fondement », mais il est probable que l'on avait laissé en place quelques pans de mur.
L’existence de cette démolition nous est fournie par l’expression « masures du temple » employée à cette époque pour désigner l’emplacement du sanctuaire.
Le rédacteur du Manuscrit de Calvisson sur la guerre des Cévennes, emploie de son côté, à cet égard, une expression qui ne paraît pas moins significative. Il dit que la prédication se faisait « dans le temple, quoique démoli ».
Reste à examiner la question de la sacristie et du porche ayant pu exister dans l’ancienne bâtisse.
Nous savons que la tribune était portée par 3 colonnes ; elle était donc divisée en 3 balcons.
Six fenêtres latérales auraient été percées. Mais le marché relatif à la vitrerie portait sur 8 fenêtres. C’est donc que la nef se trouvait éclairée en supplément par deux baies s’ouvrant, l’une dans le mur à l’ouest, l’autre dans le mur à l’est. On doit en conclure que l’édifice ne comportait ni l’étage qui existe aujourd’hui au-dessus de la sacristie, ni comme actuellement, un porche formant pignon de l’édifice.
On peut admettre que la sacristie - qui existait certainement, car c'est la dépendance nécessaire d'un sanctuaire - était constituée par une pièce de la hauteur d’un rez-de-chaussée et qu’il pouvait exister symétriquement à l'entrée de l'édifice, un porche bas, sous charpente de plain-pied avec le sol de la rue.
C'est dès avant la Révocation que fut poursuivie par l'autorité royale la démolition du temple de Calvisson. Sur monitoires publiés au prône de l’Église paroissiale Saint-Saturnin, furent apportés des témoignages de l'assistance au culte célébré dans le Temple, de diverses personnes qui avaient précédemment abjuré ou d'enfants de nouveaux convertis ; les uns, et les autres étaient, de ce fait, qualifiés de « relaps ».
À la suite du texte qui est extrait des registres paroissiaux catholiques de Calvisson, figure le libellé du jugement rendu le 30 août 1685, par une commission présidée par l’Intendant du Languedoc Henri Daguesseau et composée de magistrats choisis par lui parmi les conseillers du Présidial de Nîmes. Ce jugement, après avoir déclaré relaps les nommés Mourgues et Siméon – ce dernier étant en fuite – et les avoir condamnés à faire amende honorable devant la porte de la cathédrale de Nîmes, les bannissait du Royaume et prononçait la confiscation de leurs biens. L’arrêt interdisait à perpétuité l’exercice de la R.P.R. (Religion prétendue réformée) dans le lieu de Calvisson et ordonnait la démolition du Temple
Mais le temple de Calvisson a survécu par ses ruines, avant de se survivre dans la forme du sanctuaire qui lui succéda que nous connaissons aujourd’hui. Dès 1802 ou 1803, le consistoire de l'Église de Calvisson demande l’autorisation de reconstruire, sur le terrain qui avait été occupé par l’ancien édifice ; un Temple, au moyen des fonds qui seront fournis par une souscription volontaire. Cette autorisation lui est donnée par un arrêté préfectoral du15 brumaire an XII (7 novembre 1803).
Décret :
Au palais de Fontainebleau, le 5 novembre 1810.
NAPOLÉON, empereur des Français, roi d’Italie et protecteur de la Confédération du Rhin.
Sur le rapport de notre Ministre des cultes, nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
ARTICLE PREMIER. - La délibération que la Municipalité de Calvisson, département du Gard, a prise le 10 mai 1810, portant d’accorder aux protestants de la commune l’Église vacante qui servait au culte catholique, à la charge, par les protestants et sous leurs offres, de faire construire et décorer à leurs frais un édifice convenable pour servir au culte du petit nombre de catholiques, est autorisée, pour être exécutée suivant sa forme et teneur.
ARTICLE 2. - Le Préfet du Gard est autorisé à mettre à la disposition du Consistoire de Calvisson l’Église de la dite commune qui servait à l’exercice du culte catholique.
Signé : NAPOLÉON