Association pour la protection et la mise en valeur de Calvisson et de la Vaunage
22 Juin 2022
Devant les mutations actuelles qui conduisent nombre de Calvissonnais à se déplacer vers les centres urbains pour y exercer leur profession, un bref coup d’œil dans le rétro pourrait nous éclairer sur ce que fut notre collectivité.
En effet, durant cette période, la commune peuplée de 1 800 habitants offrait de nombreux emplois qui sédentarisaient la population générant ainsi une forte interdépendance et une agréable cohésion.
On rétorquera que : des ouvriers, employés, cadres se rendaient au travail à la Source Perrier, que d’autres sautaient dans la Micheline pour se rendre à Nîmes qui dans les ateliers de confection, qui dans les administrations, certes ! Mais l’essentiel de la population œuvrait au village ou dans ses environs immédiats.
Une bonne moitié des hommes et de nombreuses femmes s’activaient dans l’agriculture : propriétaires exploitants, fermiers, métayers, ouvriers agricoles, les agriculteurs qui n’employaient pas d’ouvrier permanent donnaient, à forfait, des travaux à réaliser : creuser des trous pour renouveler les souches mortes (50 cm au cube), des spécialistes greffaient, déchaussaient les pieds de vigne au printemps, taillaient en hiver. L’apogée du nombre de saisonniers était atteint pour récolter les raisins de table ou la vendange.
L’agriculture, à son tour, grâce à des métiers tels que charron, maréchal-ferrant, bourrelier, maquignon, réparateur-mécanicien, des activités : cave coopérative, moulin à huile, vente de produits phytosanitaires, fourrage, paille...
Au village, huit épiceries, cinq boucheries, un poissonnier, deux boulangeries, une pâtisserie nourrissaient la commune.
Outre les précités, des artisans en nombre : cordonnier, menuisiers, serrurier, maçons, plombiers, peintres, électriciens, mécaniciens, coiffeurs, un lieu de restauration ; des commerçants : drogueries, tabacs, mercerie, poste à essence, quatre cafés.
Ajoutons : le personnel municipal, deux écoles, une pharmacie, deux médecins, la gendarmerie, un notaire, une agence immobilière, un cinéma, la poste, la gare, deux assureurs, un négociant en vin, des expéditeurs de raisins de table, un service des eaux, une antenne EDF, une usine de chaussures.
Au hameau de Sinsans, l’épicerie tenue par la famille Boyer et l’école qui perdurera jusqu’en 1989 contribuaient à sa vivification.
Mais revenons de manière plus détaillée sur ces différentes activités et « à tout seigneur, tout honneur », à l’agriculture.
De nombreux propriétaires terriens cultivaient principalement la vigne avec deux productions distinctes : les raisins de table récoltés, triés et emballés manuellement occasionnaient de nombreux emplois saisonniers, et vendus aux expéditeurs, en été, sur la place du Pont, de 10 à 12 heures où les charrettes et autres remorques occupaient tout l’espace, venues non seulement de Calvisson mais aussi des communes environnantes. Les cépages destinés à la production de vin également récoltés manuellement voyaient de nombreuses « coles » arpenter les vignes en septembre. La cave coopérative était alors en émoi, un effectif abondé recevait alors les tonnages conséquents de la récolte.
Beaucoup de petits propriétaires se partageaient entre leur exploitation agricole et une autre activité. Cinq hectares de vignes suffisaient alors pour nourrir une famille (aujourd’hui cinq fois plus sont nécessaires). Les femmes y étaient mises à contribution pour « gaveller », tuer les chenilles, épamprer, récolter, emballer…
Quelques gros propriétaires exploitaient vingt hectares ou plus et vinifiaient en caves particulières.
Outre la vigne, les oliviers, souvent récoltés par les femmes, donnaient une huile de qualité jusqu’au funeste hiver de 1956 qui gela l’immense majorité des arbres, mettant en veilleuse cette production pour de nombreuses années.
Cinq troupeaux de moutons se chargeaient alors de débroussailler la garrigue : celui de la famille Fromental implanté route de Nîmes, celui de la famille Lombard en haut de la rue Paloquine. La famille Pascon comptait trois troupeaux : l’un route de la gare, l’autre route de Congénies et le dernier rue de Florent.
La Grand’Rue:
C'était alors l’épicentre du village : au début de la rue, au numéro 3 la presse de Melle Jourdan, au 12, la plomberie Blachère père et fils, au 14, l’antenne EDF dirigée par le père Ayglon, au 15, Jean Brouillet agriculteur élevait quelques vaches dont il vendait le lait, à l’angle de la rue Hugues au 28, Eliette Bosc avait ouvert sa mercerie, en face au 25, Joaquine Avesque coiffait les dames, à côté au 27, la boucherie Fromental avait repris le flambeau de la famille Sauvebois, la jouxtant, au 29, le bureau de tabacs d’Andréa Bancal, en face, au 30, la droguerie de Claude et Yolande Kriz, à côté du tabac, au 31, la pâtisserie Artru puis au 33 la cordonnerie Méjean, un peu plus haut, au 37, tissus et confections Roulph, en remontant, au 39, la pharmacie qui se déplacera ensuite rue de l’Herboux, à son côté s’ouvrira après son départ, au 43, la droguerie-vaisselle de Marthe Giliotti. En face, au 42, l’épicerie « Les docks méridionaux », à ses côtés, au 44, la boucherie Géminard. Un peu plus tard et en face, au 47, sera ouverte la librairie et presse de Danielle Montredon en remplacement de Melle Jourdan, à ses côtés, au 49, le magasin d’électricité et matériels électriques Garcia. En haut de la rue Pradonne un cordonnier avait pris la succession de Mr Méjean et à l'angle de cette même rue et de la Grand'rue, aujourd’hui détruite, l’épicerie « Coop » de Lola Charrier, en face, au 46 l'épicerie de Marie Ortuno, au 53, Paul Chasal coiffeur pour hommes arrivé de la rue des fontaines rejoindra plus tard la place du Pont, au 55, l’épicerie « L’étoile du midi » tenue par Rose Maimi puis par Nicole Martin, en face, au 50, la boucherie de Julia Daleyrac et face aux halles où se tenait le marché, l’épicerie Casino au 1 place des halles.
La rue Hugues :
Au tout début, faisant face à la Grand'rue, à l’angle de la rue du Liquoriste, le bureau de tabacs de Léonie Jézouin, à mi-rue, au 17, le bourrelier Rouquier tenait boutique.
La rue du Liquoriste :
Était le siège de la maçonnerie d’André Jean.
Rue de la mairie :
La menuiserie Valy au 6, à l’angle de la rue, au 8, la boulangerie Borie, en face et à l’angle de la rue Seguin, au 3, l’épicerie de la famille Lioret.
Rue du griffon :
À l’angle de la rue Seguin, au 1, la boucherie Peyre et à l’angle de la rue droite, au 5, la boulangerie Briand. Un peu plus loin, au 9, le coiffeur pour hommes Peyre père et fils et en face, à l’angle de la rue du moulin à huile, la pension de familles Michel restaurait habitués et passagers.
Place du docteur Farel :
Angle de la rue des fontaines, au 5, l’épicerie d’Yvonne Galaret.
Rue Florent :
Angle de la rue du lavoir, la maison Ducros, expéditeur.
Rue des fontaines :
Dite « le boulevard », vers le fond de la rue, au 26, l’entreprise de maçonnerie Sandri et en face, au 43, la serrurerie de Maurice Jules. En revenant vers les halles, à l’angle de la rue du chemin neuf, au 21, l’épicerie d’Alice Blanc, en face de la rue droite, au 17, le coiffeur pour dames Reversat. Toujours en direction des halles la poissonnerie Auger, la boucherie Arnal au 5, avant la rue Seguin, à côté le tonnelier Maurice Pouget puis, face au marché, le bar des halles. Entre les rues de la tranchée et celle de l’hôpital, l’école des classes maternelles et le CP.
Les halles :
Le marché y accueillait nombre de commerçants, réguliers pour la plupart, et parmi eux des Calvissonnais. Andrée Auger la poissonnière y tenait un stand. Madeleine Cazalet puis Fernand, son fils, venaient y vendre les légumes de leur exploitation maraîchère..
Rue de l’hôpital :
La rue des peintres, la vie y exprimait toute la palette de ses couleurs : à mi-rue, à gauche, Lucien Mathieu et quasiment en face Camille Delon.
Rue du Temple : Dans la cour qui précède le Temple, le garage Arnaud.
La rue Péréguis :
En haut, à l’angle de la rue Pradonne, le 2, abritait la poste où Germaine Vincent fit carrière. Au bas de la rue, au 26, André Remésy agriculteur s’était lancé dans l’expédition. En face, une maison inoccupée abritait alternativement deux mendiants : Claude, unijambiste décoré, armé de ses béquilles chassait les enfants importuns qui venaient le provoquer lorsqu’il avait abusé de la dive bouteille alors que Blanchette tout de douceur et de gentillesse lui succédait.
Revenons au bas du village
Route de la Cave:
Au côté du foyer communal, le bar du foyer longtemps tenu par la famille Pascon et aux confins du village, la cave coopérative étalait son importance sous la gérance de Roger Davin.
Route de St Cômes :
Angle de la place Miréio, à l’emplacement actuel de la poste, Roger Planchon électricien et à ses côtés, le garage de Robert Planchon, frère du précédent. De nombreux chevaux transitaient au 3, chez Ernest Pignan, maquignon, essayés, comme il se doit, rue des Essais. A côté, au 5, le moulin à huile de la famille Salager.
Rue du château :
Au numéro 2, où s’est depuis érigé un immeuble, l’usine de chaussures du sieur Mailhet employait une trentaine de salariés.
Rue de l’aire :
dernière maison alors construite, avant l’actuelle maison de retraite, elle hébergeait la deuxième partie de la maçonnerie Sandri.
Place du Pont :
Ainsi nommée car elle enjambe l’Escatte, devenue place De Gaulle, Le Café des sports tenu par la famille Blanchard, à son côté angle de l’impasse des eaux, l’épicerie Caïfa tenue par la famille Peyric qui, de plus, « abreuvait » d’essence les véhicules à moteur, l’actuel musée du boutis était fièrement occupée par la famille Dancette, père négociant en vins. En face la gendarmerie française veillait. Au côté de l’église, la maison Ortuno où le père François combinait agriculture et expédition. Dans la partie aujourd’hui occupée par l’abri bus, Paul Chasal avait déménagé son salon de coiffure pour hommes. En face et au-dessus de l’Escatte, la Maison du Peuple gérée par une association, abritait un café et une salle de billard et baby-foot. Au carrefour où sont situés actuellement deux commerces, Jean Fons commercialisait des matériaux de construction.
Route de Nîmes :
Au 2, la maison Pibarot distribuait produits phytosanitaires, paille, foin, charbon…
Rue de Plaisance :
Au 4, le docteur Robert avait ouvert son cabinet en remplacement du docteur Maurin.
La rue Baratier, au 1 l’atelier de menuiserie d’Almir Avesque. Au 7 la maçonnerie André Hébrard. Face à la rue Seguin, au 10, la maçonnerie André Avis, au 11, Jules Ramel qui après une carrière dans le charroi des barriques de vin, dorénavant remplacé par des camions, se limitait avec son cheval et sa charrette à la livraison de colis arrivés en gare. Dans l’impasse, à mi-rue, au 23, le mécanicien pour deux roues Cèpe. Après la rue Bourrély, au 36, le garage de Paul Sauzède avant son installation route de Nîmes, au 38 le cinéma de Calvisson tenu par la famille Bonet de Vergèze.
La rue de l’herboux :
La pharmacie quittant la grand-rue sous l’égide du sieur Gerphagnon s’installera à l’emplacement actuel de la boulangerie. En face, au 11, Léon Malassagne expéditeur, au 15 le maréchal-ferrant Maurice Boulle chaussait la famille équine. Plus loin, au 27, Charles Maimone s’installera comme plombier avant d’acheter en face. Dans la propriété de la famille Barraud, au 29, le charron Champavier qui se déplacera ensuite dans l’impasse bien nommée, du charron et au 35 de la rue. Au confluent avec la route de Congénies (devenue avenue de Lattre de Tassigny) au 20, le docteur Fontanieu recevait sa patientèle.
Route de Congénies, René Fons avait ouvert son cabinet d’assurances.
Route de la gare, devenue avenue du 11 novembre, l’école des filles précédait logiquement celle des garçons. Au 7 le service des eaux dirigé par Marcel Chaptal. Au mitant de l’avenue, au 25, le garage de Marcel Pignan réparait les véhicules à moteur. Vers le fond de l’avenue, au 33, l’agence immobilière Arnaud. En face, la distillerie de Franc Mazot. Comme l’indique son nom la rue conduisait à la gare où logeait son chef, actuelle cantine de l’école Leenhardt et siège du centre de loisirs.
La SNCF disposait également de trois « maisonnettes » qui abritaient les garde-barrières et leurs familles. Elles étaient situées : chemin de Nîmes (détruite depuis), route de la cave, route de Congénies.
Le mas Malavieille était certes consacré à l’agriculture ce qui n’empêchait pas Lucien Malavieille d’y tenir un cabinet d’assurance agricole.
Excentrée sur la route de St Etienne d’Escattes, la carrière se manifestait fréquemment par ses tirs de mines qui faisaient exploser un coin de garrigue.
Les ordures ménagères étaient collectées par un agriculteur du village, Pierre Sauze, dont le petit cheval blanc tirait un tombereau qu’il allait vider « au Chaffre », zone marécageuse, à côté du stade de foot, entre le village et Bizac.
Des colporteurs et représentants, venaient au village proposer leurs produits, lingerie, vêtements… Les Dames de France de Nîmes étaient représentées au village par Suzanne Boucher.
Cet ensemble d’activités avait pour conséquence une vie sociale qui s’intensifiait encore lors de la récolte des raisins de table ou lors des vendanges qui voyaient affluer une population espagnole nombreuse. Elle vivait alors pauvrement sous le joug de la dictature et venait rechercher de quoi passer un hiver moins rigoureux de retour au pays.
Les chevaux martelaient alors les rues, les tracteurs pétaradaient, les coqs au petit matin s’égosillaient, l’appariteur battait tambour pour informer : « Avis à la population… », le serrurier perçait, le charron martelait, le menuisier rabotait, la cloche du village sonnait toutes les heures, nuit comprise, aux beaux jours hirondelles et martinets piaillaient d’abondance, le village vivait avec ses bruits que chacun tolérait sans imaginer qu’ils puissent être externalisés. La tolérance à l’autre était la règle.
Dans ce panorama des activités professionnelles de Calvisson nous espérons ne pas avoir omis de citer l’une d’entre-elles, s’il s’avérait que ce soit le cas, sachez qu’aucune mauvaise intention n’y aurait présidé. D’ailleurs, nous vous saurions gré de nous signaler toute erreur ou oubli que nous nous engageons à publier dans le prochain numéro.
Alain Avesque
Merci à Cosette Nourrit, Line Lioure, Viviane Randon, Pierrette Romieu, France Delpuech-Salager, Régine Fesquet, Jeannine et Lucien Fromental, André Cabanis et Jean-Paul Roussel dont les informations ont permis d’étayer cet article.
Relecture Lysiane et Christian Letellier