Association pour la protection et la mise en valeur de Calvisson et de la Vaunage
9 Avril 2022
Deux sobriquets généraux ont souvent désigné les habitants, selon qu'on y était de majorité protestante ou catholique. Pour les premiers, on était gorjo négro, gorges noires, à cause de la collerette noire des pasteurs, mais aussi les parpaillots, les papillons. Les seconds étaient les manjo-Diou, les mange-Dieu et les enfants de chœur les escoulo-buretios, les videurs de burettes.
Mais pour être plus précis, on parlait de soupo san lun, mange sans lumière (et donc économes) à Boissières, de manjo-cabre, mange chèvres, à Saint-Côme, de col long, longs cous, à Langlade, et de Badàus, badauds, à Nages. À Clarensac, on était ganacho, lourdauds, mais on avait dans ce riche village une réputation d'égoïste, et le dicton n'est toujours pas oublié : À Clarensac, aïmou tout maï que la mita. (À Clarensac. On aime mieux tout que la moitié).
Les gens de Milhaud et de Caveirac, partageaient le surnom de béca-grun, picoreurs de grains, et donc pauvres ou économes, ce qui va souvent de pair. Mais ce n'est pas cela qui les rendaient amis, à Milhaud il se disait ceci : De Cavéra, ven jamaï beù temp no brava gèn (De Caveirac, il ne vient jamais beau temps ni braves gens).
A Congénies, où subsista jusqu'en 1907, une communauté de quakers (disciples du mouvement religieux fondé par Georges FOX) et où l'on vit aussi des méthodistes et autres adeptes de cultes divers, certains disaient trembler devant Dieu. Ils apportèrent au village les sobriquets de tremblaïre , trembleurs, et de coufle, gonflés, alors qu'y était déjà galavard, c'est à dire glouton.
Voisins des trembleurs, à Aujargues sont lis esfraïas, les effrayés. A Junas on était, parait-il, cultivateurs de courges, cougourliers.
À Calvisson, pays de moulins et de meuniers, on aimait les chèvres et leurs petits fromages, selon la rumeur qui circulait dans toute la Vaunage au sujet de ces manjo-cabro et manjo-fourmetto. Mais les Calvissonnais étaient aussi des manjo-campano, c'est à dire des mangeurs de cloches, ce qui mérite d'être expliqué. Il y a d'abord là une rivalité entre temple et église remontant à 1624. À peine inaugurée, la cloche du nouveau temple dut être cachée pour éviter des déprédations et finalement se perdit. Puis, lorsque quelques années plus tard une nouvelle cloche fut mise en place, le clocher donna quelques inquiétudes et finalement s'écroula. De longs procès suivirent et les Calvissonnais décidèrent d'utiliser la cloche du hameau voisin, Sinsans. L'histoire ne dit pas s'ils le firent, mais il existe une autre version de provenance mystérieuse. On commença bientôt à dire qu'elle avait été fondue pour le temple de Nîmes et donc quelque peu détournée. Il semble qu'elle soit aujourd'hui sur la mairie du village, mais ce fut elle qui transforma les mangeurs de cloches en voleurs de cloches.
Aubais est un magnifique village perché, lui-même dominé par les restes de son château considéré au temps des de Baschi comme une des plus belles demeures du Languedoc. Une expression tenant à Aubais revient sous forme de question : Sias d'Aubaï ... d'Aubaï-même ? (Êtes-vous d'Aubais... d'Aubais-même ?). Elle peut s'expliquer par la dissémination de ses habitations et le proche voisinage d'Aigues-Vives, si bien que les habitants de ce dernier village ont dû eux-mêmes bien marquer un de leurs quartiers en le baptisant Garrigouille.
Malgré son nom, Aigues-Vives n'a ni rivière ni source abondante. C'est le village natal de Gaston DOUMERGUE, qui fut président de la République, et de Fernand GRANON, qui fut l'éleveur du Sanglier, le taureau cocardier dont on parlera toujours. C'est aussi le pays des bagnas, les mouillés, car avant que l'on change la date de la fête locale, elle avait lieu début mai, période pluvieuse qui détruisait les guirlandes de papier et faisait annuler les courses de taureaux.
Entre les deux agglomérations, Montpezat domine fièrement la campagne. Son château fut celui du médecin personnel de François 1er et l'on dit que Saint-Louis, se rendant à Aigues-Mortes, y dormi. A première vue, les habitants du lieu peuvent paraître sanguinaires puisqu'ils sont des copo-testo, (des coupeurs de têtes). Il y a bien là quelque chose de révolutionnaire, mais pas comme on pourrait le croire. En 1792, lorsqu'on planta le premier arbre de la liberté, il fut décapité la nuit suivante.
Pour Souvignargues on peux ajouter que « escourpiou » (scorpion) est d'autant plus important pour les souvignarguais (ses) à retenir qu'il est représenté sur le blason de la ville. Le scorpion blanc de Souvignargues (ou scorpion languedocien) étant une espèce locale inventoriée depuis sa découverte à la fin du 18e siècle.
Une nouvelle fois on retrouve dans les sobriquets des animosités plus ou moins marquées entre villages voisins. En voici quelques exemples : à Combas et à Moulézan, on était des blachas, ce qui désigne les chênes blancs, mais aussi les niais ; à Crespian et à SaintThéodorit, on était gibalins, gibelins ou bémis, bohémiens, c'est-à-dire faux-jetons, trompeurs. A Lédignan, on cumulait ! Tracassiés, tarabassens, brouillons, bâcleurs, mais aussi couchonéblas, chasse-nuages ou chasse-nains, ce qui ne signale pas un grand courage. Mais peut-être faut-il voir dans ce dernier surnom une rancœur vis-à-vis des villages voisins de Gardet et Maruèjols-lès-Gardon où l'on était des néblas.
Gajan devait être un pays d'économes et donc de petasso braïo, repriseurs de pantalons, mais il en allait sans doute de même à Mauressargues, où l'on était rabihas, revêtus avec des habits retaillés, et pétassas, ravaudés. On retrouvait aussi l'économie dans ce dicton : vaù mièl soupa san lùn qué san pan, il vaut mieux souper sans lumière que sans pain.
Au bord du Gardon, Boucoiran était un pays de pescaïre, pêcheurs, mais aussi des fainéants, tandis qu'en d'autres lieux on était chasseurs, mais avec des nuances : ainsi, pour traquer le lapin ou le perdreau à Aigremon et à Collorgues, on était sauto-cado, sautegenévrier, mais ailleurs sauto-bouisso, saute-buis, ou sauto-roc, saute-rocher. Au nord de Sommières, Salinelle, ce petit village dont on vantait les melons au XVIème siècle et qui a fourni à des générations de ménagères la poudre dégraissante ne laissant pas d'auréole connue sous le nom de terre de Sommières. Cependant, les gens du lieu ne portent pas le surnom de mineur mais de pesco-loco, les pêcheurs de loches, petits poissons qui pullulaient dans le Vidourle mais qui sont devenus la proie des brochets de repeuplement.
Les habitants de Gailhan étaient, eux, traités de pêcheurs de grenouilles, mais sans doute par dérision, car le village est plutôt loin de la rivière et dans un endroit fort sec. Ils ne semblaient pourtant pas se plaindre de leur sort, contrairement à ceux de Lecques que l'on traitait de bramaïres, pleurnichards. À Sardan, par contre, point de poisson au menu : on était des manjo-micho, des mangeurs de pain. Il est plus difficile de savoir pourquoi les habitants de Fontanes furent appelés les courcoussouns, insectes rongeurs du bois et ravageurs de légumes. Cependant un dicton oublié peut nous y aider : Dana coume un courcoussoun. Ce dana, damné, rappelle les imprécations et les exorcismes lancés il y a bien longtemps contre les ravageurs de cultures. Or, tout près de Fontanes, il existe un ancien lieu de pèlerinage au lieu-dit Notre-Dame-de-Prime-Combe. Un bœuf aurait fait jaillir là une source en grattant du sabot, mais une autre version assure que c'est une statue de la Vierge qui l'aurait mise à jour tout aussi miraculeusement.
Source : LE GARD Jadis et Naguère par Alain LABORIEUX (Extraits) - Éditions Lucien SOUNY 2008
Relecture LCL