Association pour la protection et la mise en valeur de Calvisson et de la Vaunage
9 Décembre 2022
Folco de BARONCELLI-JAVON est né le 1er novembre 1869 à Aix-en-Provence où son père occupait la fonction de directeur du Télégraphe. Il descend d’une vieille famille toscane venue de Florence installée en Provence depuis 1487 dans leur propriété du Palais du Roure à Avignon.
Son père ayant quitté Nîmes pour raison professionnelle, le petit Folco est élevé par sa grand-mère maternelle madame de CHAZELLES au mas de Laïaud devenu plus tard le Château de Bellecôte, près du village de Bouillargues.
C’est là que le gamin fréquente des gardians et des juments. C’est également là que les manadiers viennent parquer les taureaux destinés aux courses à la cocarde pendant la fête votive du village de Bouillargues. madame de Chazelles est une afeciounado qui possède la passion des taureaux et qui parle la langue provençale.
Tout naturellement, le petit-fils va subir l’influence de sa grand-mère et, tout jeune, la Camargue et la culture provençale vont s’imprégner en lui.
Ce Château appartenait à la Famille Baroncelli sous le nom du Château de Javon à proximité de la forêt de Javon dans le Vaucluse propriété du Marquis de Baroncelli Raymond et Demoiselle de Chazelles-Lunac (père et mère de Folco de Baroncelli) à 65 km à l'est d'Avignon. Le Marquis a passé son enfance en ce lieu. -De leur union naîtront 9 enfants. Folco sera l’aîné de 3 garçons et 6 filles.
Durant son enfance, un évènement va profondément le marquer.
Il n’avait pas encore dix ans ce 25 mai 1878 quand sa grand-mère décida de l’emmener au pèlerinage des Saintes Maries de la Mer.
Dans la bousculade de la foule des pèlerins il se trouva, un moment, arraché à sa grand-mère et fut poussé dans l’église où il se retrouva au seuil de la Crypte de Sarah. Là, une vieille gitane le porte dans ses bras jusqu’à l’Autel et lui dit : « Si tu es venu jusqu’ici, c’est que toute ta vie tu protègeras notre peuple ! ».
C’est effectivement ce qu’il fit.
En 1886 il connaitra sa première grande peine avec le décès de sa grand-mère à laquelle il vouait une véritable adoration.
À la suite de ce décès, Bellecôte est vendue et les Baroncelli reviennent à Avignon à l’Hôtel de Javon.
En 1887, il fait la connaissance de Théodore Aubanel, imprimeur avignonnais, libraire, poète et félibre. Il va également se lier d’amitié avec Frédéric MISTRAL. Sous l’influence de celui-ci, il commence à écrire textes, poèmes et nouvelles et devient rédacteur en chef de la revue du Maître : « L’aïoli ».
PREMIER NUMÉRO DU JOURNAL L’AIÒLI DU 7 JANVIER 1891
Journal mensuel, publié à Avignon (empremarié di fraire Seguin), l’Aiòli défend la cause méridionale et le fédéralisme mais il se veut apolitique, provençal et non félibréen. Frédéric MISTRAL en confie la rédaction à Folco de BARONCELLI. Sa principale ligne éditoriale est la défense de la langue, de nombreux félibres écrivent dans l’Aiòli et l’illustration du bandeau est d’Eugène Burnand, illustrateur de Mirèio (éd. 1859). (Source l'occitanica)
Folco de BARONCELLI-JAVON à la demande de Frédéric MISTRAL, décide d’associer les gardians aux festivités camarguaises. Devant le succès de cette initiative, le 24 juin 1904 au mas de l’Amarée, le Marquis et quelques-uns de ses amis fondent le « Coumitat Virginien ». Ce dernier sera remplacé le 16 septembre 1909 par une association dénommée « la Nacioun Gardiano » dont le siège social se trouve aux Saintes Maries de la Mer.
En 1895, il se marie avec Henriette CONSTANTIN, fille d’un riche vigneron de Châteauneuf du Pape et créé la manade « Santenco » avec du bétail acheté à Papinaud qu’il complètera en 1899 avec une partie de la manade Dijol père.
Le jeune couple va s’installer aux Saintes Maries de la Mer dans une petite maison louée avant de s’installer, toujours en location, au mas de l’Amarée en 1900.
La propriété s’étend sur 200 hectares d’herbages jouxtant des terrains communaux que BARONCELLI louera à la commune des Saintes Maries de la mer. En septembre 1901 son épouse met au monde une seconde fille qui sera prénommée Maguelonne. La maman Henriette supportant mal la dureté du climat camarguais s’est retirée à Fines Roches. Parfois, Folco se retrouve bien seul dans ce grand mas de l’Amarée. Heureusement, son travail de manadier qui l’occupe sans relâche occulte sa solitude.
Le château des Fines Roche , que fit construire Auguste CONSTANTIN, à la fin du XIXe siècle, sur la dernière terrasse de Châteauneuf-du-Pape, s'inspirait des remparts d'Avignon. Si CONSTANTIN avait quelque peu la folie des grandeurs, c'est son gendre, le marquis Folco de BARONCELLI, qui dès 1915, impose le Château des Fines Roches comme un passage obligé de la culture et des traditions provençales. Un lieu de réception qui accueillera Frédéric MISTRAL et Alphonse DAUDET, entre autres hôtes de marque.
PROUVÈNÇO
En 1902, son célèbre taureau Prouvènço né en 1896 est en pleine forme à tel point que le public le qualifie de « Roi des Taureaux ». Malheureusement, en mai 1909, alors qu’il était au sommet de sa carrière Prouvènço meurt dans un combat de taureaux. Quelques jours auparavant il avait effectué une course extraordinaire à Vauvert au cours de laquelle il avait grièvement blessé le raseteur surnommé « le Grand Beaucaire ».
En 1903, MISTRAL dirige la première «Fèsto Vierginenco » à Arles. Celle-ci a pour but de glorifier le costume des femmes du pays qui était tombé en désuétude. Si la première édition ne rassemble que 28 jeunes filles, la seconde voit défiler 370 jeunes filles en costume.
Cet éclatant succès lance sur de bons rails cette fête populaire provençale. Si Frédéric MISTRAL souhaitait que chaque village possède sa « Fèsto Vierginenco », seul de nos jours le village des Saintes-Maries-de-la-Mer a conservé cette journée traditionnelle grâce au Marquis de Baroncelli qui l’organisera jusqu’en 1939.
- 1905. C’est un grand évènement dans la vie de Folco de BARONCELLI, homme de cheval il multiplie les tentatives pour se mettre en rapport avec les Indiens de BUFFALO BILL. Ses plus importantes rencontres se situent en 1905 et 1906, année où le "Buffalo’s Wild West" fait le tour de l’Europe. Joë HAMMAN rencontré lors de cet évènement à Paris l’aidera dans ses démarches. Le meilleur ami du Marquis sera un superbe Sioux, "Jacob White Eyes" (Jacob les yeux blancs) avec qui il forgera une amitié intime. Des chefs indiens comme "Sam Lone Béar" et "Iron Tail" assisteront à un triage de taureaux au Cailar puis à une abrivade à Callargues. Le Marquis recevra de la part de "Jacob White Eyes", en signe d’amitié, un beau costume de Chef Rouge, tout en peau, orné de plumes teintes et de perles de couleurs. Il propose aussi les services de ses gardians, qui participent avec les indiens et les cow-boys aux spectacles de BUFFALO BILL.
À l’approche de la quarantaine, le visage du marquis a pris la couleur et les rides que peint et creuse un climat rigoureux. Pas encore tout à fait Sioux, mais cela se dessine déjà quand il endosse le costume de son ami Jacob, auréolé de plumes et chaussé de mocassins. Il a presque l’aspect d’un authentique Indien.
- En 1907. Dans le Languedoc les vignerons écrasés par une crise qui les ruine se soulève en masse.
La révolte des vignerons lui inspire un de ses plus beaux poèmes "Auzor" où il crie son indignation et apporte son soutien aux révoltés.
- Le 11 juillet et le 12 septembre 1907 à Avignon, l’Hôtel de Javon est mis en vente.
- Le 27 septembre, les crues du Rhône noient une partie de sa manade.
- Le 7 mars 1908 nait sa troisième fille Frédérique, dite « Riquette », qui deviendra Mme Henri AUBANEL, le 25 avril 1939.
- En mai 1908, sa rencontre à Arles avec Jeanne de FLANDREYSY, déjà aperçue quatre ans plus tôt à Valence, le marque à jamais. Il tombe sous le charme de cette belle mais indépendante jeune femme, véritable égérie provençale. Si leur relation amoureuse fut brève, leur amitié dura jusqu’à la mort du marquis.
Folco de Baroncelli et Jeanne de Flandreysy - Emile Espérandieu, Jeanne de Flandreysy et Folco de Braroncelli
Les filles du Marquis de Baroncelli en 1919. De gauche à droite Frédérique (Riquette), Nerte et Maguelonne (Lounet).
L'année suivante il écrit un poème, qui sera repris dans le recueil Blad de luno, adressé à Jeanne.
Il est mobilisé, en 1915, au sein du 118e régiment d’infanterie territoriale. À la suite d’un « débordement » envers la hiérarchie militaire il est envoyé à Toul à titre de mesure disciplinaire jusqu’en décembre 1915. Puis il est affecté à la garde de l’usine de sel de Salin de Peccais près d’Aigues-Mortes transformée en camp de prisonnier de guerre. Il ne sera démobilisé qu’en 1919. Cette expérience eut pour effet de l’anéantir et il ne fut plus le même homme après avoir connu la guerre.
En 1918, tout comme le pays, la Camargue est exsangue. Pendant la guerre, les taureaux de nombreuses manades camarguaises se sont mêlés abâtardissant le sang. Peu d’élevages de taureaux camarguais sont restés purs. Parmi les manades « camarguaises » qui ont échappé au « mélange », celle de Folco et celle de Fernand Granon. C’est grâce à cette dernière qu’un véritable miracle va se produire : La naissance d’un veau, dans les bois du Riège va redonner vie et espoir à tout un peuple. Découvert en mai 1916 par le gardian Chevalet au milieu d’une famille de marcassins, le veau miraculeux fut tout naturellement baptisé « Sanglier ». Ce cocardier hors du commun va connaitre une carrière époustouflante et deviendra un véritable mythe qui relancera l’espoir et la « fé di biòu ».
Folco de Baroncelli assis 4ème en partant de la gauche - le fort du Peccais et le taureau « Sanglier »
Baroncelli, rencontre d'énormes difficultés avec la Nacioun Gardiano. Il a alors l'idée d'organiser des spectacles dénommés « fêtes gardianes » ou fêtes provençales ». Pour cette occasion, il crée les célèbres jeux équestres camarguais inspirés par le Wild West Show de Buffalo Bill.
En 1920 il lance l’idée d’un Parc Naturel. Il faut que ce territoire vive, avec de vrais gens et non un musée pour touristes. A la fin de sa vie il dira : « J’ai voué ma vie à un idéal: la Provence, et je n’ai embrassé mon métier que pour mieux servir cet idéal, pour me trouver plus près du peuple provençal, pour mieux arriver jusqu’à son cœur et pour mieux l’aider à sauver son passé de gloire, sa langue et ses coutumes.” C’est finalement André Malraux, ministre de la culture du Général de Gaulle, qui en 1964 engagera la réflexion sur la question du développement régional et de la protection de l’environnement en Camargue. Il fallu néanmoins attendre une décennie pour voir enfin la création du Parc Naturel Régional de Camargue en 1973.
Etrange destinée que celle de cet aristocrate qui accepta de vivre dans des conditions matérielles difficiles pour servir la cause provençale. Tous les témoignages insistent sur la grande humanité et la générosité de l'homme. Mais le trait marquant de son caractère, outre sa ténacité, réside dans ses prises de position en faveur des minorités opprimées. Il s'insurge contre l'agression des Boers, défend les vignerons du Languedoc, les Indiens d'Amérique, rencontrés dans le cirque de Buffalo Bill, et qui le surnomment « Oiseau Bon ».
En 1924, il demande à Hermann Paul de concevoir et dessiner la croix de Camargue qui symbolise la Nacioun gardiano. La croix originelle est réalisée par Joseph Barbanson, forgeron aux Saintes Maries de la Mer et inaugurée le 7 juillet 1926 sur un terre-plein de l’ancienne sortie sud-est de la cité camarguaise.
Confronté à de graves problèmes financiers, en 1930, Folco de Baroncelli doit quitter le mas de l’Amarée dont il n’est que locataire. Les Saintois lui offrent alors des terres, où il bâtira le mas du Simbèu à l’ouest du village, près de l’embouchure du Petit Rhône.
Là, il fera construire 2 cabanes de gardian identiques qui serviront notamment de demeures pour les gardians du Simbèu. La cabane vient manifestement d’être restaurée. La sagne est épaisse et les murs sont bien badigeonnés à la chaux. Sur la gauche, on aperçoit un seau qui semble avoir servi au badigeon. On a peint une tête de taureau sur le pignon avec l’inscription « CABANO DOU SIMBEU ».
Lors de leur arrivée en zone libre, les allemands s’installent, dès le 16 novembre 1942, dans le mas du Simbèu qui sera réquisitionné en janvier 1943. Finalement, le 17 février, le marquis de Baroncelli en est expulsé et s’installe dans le village même des Saintes, chez sa fille, puis, affaibli par une blessure à la jambe, il retourne à Avignon où sa fille benjamine Riquette prit soin de lui. C’est là qu’il mourut le 15 décembre 1943.
Le mas du Simbèu sera détruit à l’explosif en 1944 par les troupes allemandes lorsqu’elles quittèrent le pays. Comme un symbole, une des 2 cabanes de gardian est restée debout au milieu des ruines.
Lors de leur arrivée en zone libre, les allemands s’installent, dès le 16 novembre 1942, dans le mas du Simbèu qui sera réquisitionné en janvier 1943. Finalement, le 17 février, le marquis de Baroncelli en est expulsé et s’installe dans le village même des Saintes, chez sa fille, puis, affaibli par une blessure à la jambe, il retourne à Avignon où sa fille benjamine Riquette prit soin de lui. C’est là qu’il mourut le 15 décembre 1943.
Le mas du Simbèu sera détruit à l’explosif en 1944 par les troupes allemandes lorsqu’elles quittèrent le pays. Comme un symbole, une des 2 cabanes de gardian est restée debout au milieu des ruines.
TRANSFERT DES CENDRES DE FOLCO BARONCELLI LE 21 JUILLET 1951
Le 21 juillet 1951, les cendres du marquis sont transférées dans un tombeau à l’endroit même où se trouvait le mas du Simbèu mais son cœur est placé dans la chapelle de ses ancêtres, au palais du Roure, ancien hôtel de Baroncelli-Javon. Lors de ce transfert, alors que le convoi funèbre longe les prés, les taureaux de son ancienne manade se regroupent et suivent lentement le cortège, comme pour accompagner leur maître une dernière fois. Ainsi, la volonté qu’il avait exprimée a été exaucée : «Lorsque je serai mort, quand le temps sera venu, amenez mon corps dans la terre du Simbèu, ma tête posée au foyer de ma vie, mon corps tourné vers l’église des Saintes, c’est ici que je veux dormir ».