Association pour la protection et la mise en valeur de Calvisson et de la Vaunage
11 Novembre 2022
La Tour a été construite au Nord de Nîmes au sommet d’une colline qui s'élève à 114 mètres au-dessus du niveau de la mer. La Tour Magne* du latin Turris magna, « la Grande tour » est, de tous les monuments antiques de Nîmes, celui dont le passé demeure le plus obscur.
En 1925, cette construction mesure 30 mètres de haut environ et se compose d'une base et de trois étages plus ou moins dégradés, légèrement en retrait l'un sur l'autre.
De forme octogonale, sa base mesure 19 m. 40 de diamètre ; son étage supérieur, 14 m 80. Les remparts de la ville construits en l'an 16 avant notre ère, selon une inscription placée sur la porte d'Arles, dite d'Auguste, entourent l'édifice sans aucune liaison de matériaux. Ce qui prouve que la Tour Magne est plus ancienne que le mur d'enceinte. Il n’est pas impossible qu'une construction celtique ait existé sur son emplacement, la Tour Magne est sûrement romaine et, par la suite, non antérieure à la création de la province de Gaule, vers l'an 120 avant notre ère.
* Dans les textes anciens consultés le nom de Tour Magne est écrit « Tourmagne » en un seul mot.
L’existence d'une tour celtique, antérieure au monument actuel, reste une énigme. Cette tour, a pût être construite de pierres sèches et les Romains en ont profité pour bâtir par-dessus, prouvant, une fois de plus, la mesure de leur esprit pratique.
Dès 1818, A. de Seynes avait écrit que « le vide du bas, dans lequel on entre aujourd'hui par une brèche, ne présente aucune trace de montée, ni d'ouverture » et que « sa figure irrégulière autorise à penser qu'il n'était autrefois rempli que d'un mélange de pierres et de terre, sur lequel on avait élevé l'édifice ». La base de l’édifice, ou soubassement, a 12 mètres de haut ; elle n'est ornée que de trois retraits, de 0 m. 10 chacun environ, commençant à 2 mètres du sol.
Le premier étage, est lui, en retrait de 2 mètres. Il mesure 6m70 de haut et n'a pour toute décoration, en son milieu, qu'un double rang de pierres de taille, très légèrement en saillie.
Le second étage est en retrait de Om20. Sa hauteur est de 6m80 et chacune de ses faces présente quatre pilastres doriques, comprenant ceux des angles. Une assise de pierres de taille est à mi-hauteur de chaque pilastre.
Il ne reste qu'une partie de l'étage supérieur, où l'on remarque, sur une des faces occidentales, les bases de deux colonnes, sur le prolongement des pilastres. Un socle de pierres de taille, de 1 m50 de haut, décoré d'une petite corniche, forme le soubassement de ces colonnes. Partout ailleurs, la hauteur de l'étage est plus grande ; mais les murs de face sont détruits, sauf à l'est où l'on aperçoit encore un débris de la corniche et quelques vestiges de l'attique. On a calculé que cet étage devait avoir 6m50 de haut.
On accède au sommet du monument par un escalier de 132 marches. Cet escalier a été presque entièrement détruit au 19ème siècle.
Sur chaque face de l'octogone, à l'exception de celle de l'escalier, il existe un vide à un mètre de distance environ du parement extérieur. Deux autres vides étaient situés derrière l'escalier. Les vides des côtés sont devenus apparents du fait de la chute du parement extérieur.
Les constructions juxtaposées à la Tourmagne en l'an 16 avant notre ère comprenaient une rampe qui conduisait au niveau du premier étage. Pour en adoucir la pente, l'architecte lui avait donné une longueur de près de 80 mètres. A son point de départ, la rampe était établie sur un massif ; les autres côtés reposaient sur des arcades en forme de niches, qui avaient le double résultat de servir de décoration et d'alléger la bâtisse ; la hauteur de ces arcades allait en croissant, à mesure que la pente s'élevait.
Toutes les suppositions relatives à la Tourmagne sont fondées sur le caractère préromain qu'on lui attribue.
Certains auteurs en ont fait un phare datant d'une époque où la mer se serait avancée jusqu'à Nîmes.
D'autres ont pensé qu’on allumait un feu au sommet de la tour à l'usage des voyageurs qui eussent risqué de s'égarer dans les forêts de la région nîmoise.
D’autres ont pensé qu'elle fût bâtie pour servir de temple ou contenir un « trésor public ». La plupart ont cru qu'il s'agissait « du mausolée des rois du pays » ou de quelque gaulois célèbre ; peut-être un « ossuaire commun aux anciens habitants de Nîmes ».
L'historien Ménard avait considéré le monument comme une tour de guet construite par les Romains, en même temps que les remparts, « vers l'an 27 avant notre ère ». Au 19ème siècle, ce fut cette opinion qui prévalut.
De nos jours on croit généralement que la Tourmagne est un mausolée romain comparable à ceux d'Igel, près de Trèves, et de Saint-Rémy-de-Provence.
Non seulement aucun mausolée en forme de tour n'a d'escalier dans sa masse, mais on peut croire que la transformation en tour de rempart d'une sépulture, de date relativement récente, eût été contraire aux lois, une offense aux dieux Mânes et un outrage au mort.
Ainsi, de toutes les hypothèses envisagées, la moins invraisemblable est celle de Ménard. Il se peut fort bien que la Tourmagne ait servi, comme il le suppose, de tour de guet ; mais. Il semblerait plutôt, que par sa forme, on pût y reconnaître un trophée qui pourrait être celui de DOMITIUS.
Probablement au début de l'an 121, DOMITIUS marcha contre les Allobroges et les vainquit au passage de la Sorgue, en un lieu appelé Vindalium, dont on ignore l'emplacement.
En août de cette même année, les Arvernes, qui avaient vainement essayé de négocier un arrangement, furent défaits à leur tour, sur la rive gauche du Rhône, par une seconde armée romaine que commandait le consul en exercice QUINTUS FABIUS MAXIMUS.
Tandis que FABIUS achevait cruellement la conquête de l'Allobrogie, puis rentrait en Italie, DOMITIUS en qualité de proconsul, livrait d'autres combats sur la rive droite du Rhône, contre les Rutènes (Rouergats).
Les deux généraux, DOMITIUS et FABIUS, commémorèrent, de façon durable, leur triomphe par l’élévation de tours de pierre, surmontées de trophées d'armes, sur les lieux même où ils combattirent.
Assurément, tout permet de croire que les deux généraux firent entasser, chacun de son côté, et offrirent aux dieux, les armes des vaincus, ramassées sur le champ de bataille.
Une grande voie venait d'être ouverte à partir d'Arles, qui conduisait en Espagne par Nîmes et Narbonne. Sur son parcours, à mi-chemin entre ces deux villes, on avait bâti le Forum Domitius. Un trophée durable, destiné à rappeler ces évènements et le démembrement des territoires des Arvernes et des Rutènes, n'eût donc pu être mieux placé que sur cette rive droite où nulle gloire n'était comparable à celle de DOMITIUS et l'endroit le plus favorable, pour la construction de ce trophée, eût bien été celui de la Tourmagne, d'où la vue s'étend de la mer aux pentes des Cévennes, de l'Aigoual au mont Ventoux.
Jusqu'au XIIe siècle, la Tourmagne était probablement employée comme poste d'observation, et non comme tour de défense, puisqu'elle était massive et n'avait qu'un chemin de ronde au-dessus de son soubassement. La vieille construction dut rendre des services au cours des sièges que la ville eût à soutenir contre les Vandales (409), les Visigoths (412), les Francs (585) et les Arabes (719). En 737, Charles MARTEL s'empara de Nîmes sur ces derniers et, dit-on, fit détruire les remparts en même temps qu'il ordonna de mettre le feu à des habitations construites dans l'amphithéâtre. Il se peut que la Tourmagne n'ait alors échappé à la destruction que par sa masse et la difficulté de sa démolition. Au XIIe siècle, la Tourmagne fut au nombre des châteaux et forteresses que Bernard ATON VI, vicomte de Nîmes, remit à Alphonse Il, roi d'Aragon, et a repris de lui en fief, par la ligue qu'il fit avec ce prince à Béziers, au mois d'octobre de l'an 1179, contre RAYMOND V, comte de Toulouse. Sous les rois CHARLES VI et CHARLES VII, on l'utilisa pour la défense de la ville contre les Anglais. Au XVIIe siècle, au cours des guerres religieuses qui ensanglantèrent le pays, le duc de ROHAN construisit autour du monument un petit fort bastionné qui fut démoli, en 1629, après la paix d'Alais.
Le monument, au début de ce même siècle, risqua d'être détruit par la cupidité d'un chercheur de trésor. Une prophétie de Nostradamus parlait de luisants métaux de Sol et Lune, c'est-à-dire d'objets d'or et d'argent, cachés à Nîmes, sous des « antiques édifices vestaux », non loin d'un aqueduc ruiné. Le jardinier François Traucat, importateur de la culture du mûrier, pensa que ces édifices vestaux désignaient la Tourmagne où la tradition populaire supposait l'existence d'un aigle d'or et d'autres richesses, et obtint non sans peine, en 1601, l'autorisation de faire des fouilles, sous réserve que les deux tiers de leur produit seraient versés au trésor royal. La municipalité de Nîmes essaya vainement de s'opposer à toute recherche. Le crédule jardinier se mit à l'œuvre, en pénétrant par le nord-ouest, dans le monument qu'il vida jusqu'à plus de la moitié de sa hauteur, sans qu'on sache au juste s'il en retira de la terre ou du remblayage.
Au commencement du XIXe siècle, la Tourmagne, dégradée par le chercheur devint un télégraphe optique et fut un peu réparée, mais sa consolidation est de 1843. A cette date, à la suite d'un rapport de Pelet, inspecteur des monuments historiques du Gard, l'architecte Questel construisit, pour soutenir la voûte créée par l'excavation, une colonne de 16m44 de haut sur 3 mètres de diamètre à la base et 2m50 au sommet, en pierres de taille de Barutel, parementant un blocage. Elle sert de support aux marches d'un escalier qui conduit à une plateforme d'où les visiteurs peuvent, sans danger, jouir d'une fort belle vue.
L'escalier circulaire intérieur est pourvu d'une rampe de fer. Il compte 76 marches, dont 8 en perron et les 68 autres réparties en quatre volées, de 17 marches chacune, interrompues par quatre paliers formés de dalles supportées par des consoles.
Au quatrième palier, il abandonne la colonne et passe, par une brèche, dans la cage de l'escalier romain. Il continue jusqu'à la hauteur de deux volées (36 marches), séparées par un palier ; puis, par une nouvelle brèche, pénètre dans un des vides demi circulaires et atteint la plate-forme au bout de 28 marches. Chaque marche a 0m19 de haut. La hauteur de la plate-forme, au-dessus de la base du socle de la colonne, est de 26m52. Ce socle, de 1 m50 de haut sur 4m62 de diamètre au ras du sol, est fondé sur le roc à 2m50 de profondeur. L'ouvrage fut exécuté par André Blanc, entrepreneur à Nîmes ; il coûta 11377fr, dont 8000 fr. furent fournis par le ministère de l'Intérieur, 2000fr. par le département et le reste par la ville.
- Histoire de la Tourmagne H. Gautier, 1724
- Histoire générale du Languedoc,1840 par Alexandre de Mège
- La Tourmagne – extrait du dictionnaire topographique - Germer-Durand, 1868
- Nîmes et ses rues, La Tourmagne Albin Michel, 1876
- La Tourmagne Emile Espérandieu, 1927
Relecture Lysiane et Christian Letellier