Association pour la protection et la mise en valeur de Calvisson et de la Vaunage

APROMICAV CALVISSON

PIERRE EN LIBERTÉ

Ce conte est tiré d'un ouvrage d'Hubert Rouger, Calvissonnais

« A pleine cruche »  A Pléno Dourco

PIERRE EN LIBERTÉPIERRE EN LIBERTÉ

Pierre en liberté

Il était de Calvisson, maçon de son état, on l'appelait Pierrot. Adroit comme un singe, leste comme un chat, il gagnait toujours au jeu de quilles ou a celui des trois sauts; il dansait la matelotte et l'anglaise, conduisait la farandole, rasetait les jeunes taureaux à leur première course, et il allait attendre au trident les vaches mal encornées.

Pierrot avait bon appétit, il mastiquait bien, avalait encore mieux et pour vider le flacon vous pouviez aller loin pour trouver son pareil.

Il poursuivait les femmes et chantait comme un orgue; bon républicain il entonnait la Marseillaise devant le tonneau de vin le 14 Juillet, et Minuit Chrétien pour Noël, à l'église.

Il ne manquait jamais un mariage, ni un baptême, ni une première communion, il fréquentait les nouveaux riches pour pouvoir s'attabler, aux repas où le bon vin coulait à flot. Il se mêlait à tous les festins: à la villa de Monsieur Paul, au mazet de l'opiniâtre (1), à la capitelle de César; il fraternisait avec les vieux garçons comme avec les conscrits, chez Carla, l'aubergiste, à la chambrée des pieds nus (2), aussi bien qu'aux fricassées du cercle des gens aisés.

Et quand il s'agissait de nettoyer une casserolée d'escargots ou d'absorber le vin de première qualité il n'envoyait pas un autre à sa place. Avec cela toujours prêt à aider son voisin et à lui rendre service.

(1) Surnom.
(2) Surnom donné aux journaliers agricoles.

Les joueurs de quilles

Les joueurs de quilles

Le razeteur

Le razeteur

Il quittait même son labeur pour faire plaisir au premier venu, mais au travail il y allait sans se presser et parfois la dispute naissait à la maison où la fille de Remézy, le lâcheur de vesse*, se désolait, et devait le menacer trois fois au moins la semaine de se séparer de lui, ou de lui jeter bon battoir de lessiveuse à la tête.

Grand gueux lui criait-elle, tu ne sais donc pas que nous avons trois grands garçons à nourrir et qu'ils ne se contentent pas d'avaler des carroubes.

Pierrot le savait bien qu'il avait trois gosses vigoureux, puisque lorsqu'il revenait d'un festin, il leur apportait toujours soit des pralines, soit des morceaux de nougat, et l'été parfois de la réglisse ou du sirop de Calabre dans une petite bouteille.

Vois-tu, disait-il à sa femme, ne m'embête pas ainsi, nous sommes arrivés à joindre les deux bouts jusqu'ici, nous y arriverons toujours, ne t'en fais pas, et si elle s'enflammait, alors Pierrot, contrefaisait monsieur Fabre, le pasteur, lorsqu'il était en chaire.

Il joignait les deux mains agitait ses paupières, levait ses yeux au ciel et se mettait à dire: "Grâce soit rendu à celui qui est en haut, c'est lui qui arrange tout".

Sa femme qui n'aimait pas de se moquer du Bon Dieu se mettait à crier : "Grand renégat, si tu ne t'en vas pas cela va mal tourner".

Pierrot simulait une ruade et il s'éloignait en riant aux éclats

Sur le plan du milieu du village près du Griffon, demeurait une vieille ronchonneuse qu'on appelait Madame Potière, veuve d'un marchand d'étoffes, qui en vendant ses chiffons, avait amassé des louis d'or comme un chien des puces. Les écus s'amoncelaient, mais madame Potière ne donnait pas le lard aux chats et dans sa poche il y avait un serpent, qui disait-on, l'empêchait de prendre son porte-monnaie.

* vesse : émission de gaz nauséabond faite sans bruit par l'anus

 

Le sirop de  calabre    -     La place du GriffonLe sirop de  calabre    -     La place du Griffon

Le sirop de calabre - La place du Griffon

Un jour qu'une bourrasque en soufflant, démolissait les tuyaux de cheminée, madame Potière était devant sa porte cochère sans s'occuper de la température, lorsque Pierrot, frais et réjoui vînt à passer sur le plan.

- Je ne crois pas que les moustiques vous incommodent dit-il aimablement.

- Ce n'est pas la fraîcheur qui me fait tenir dans la rue répondit-elle, mais avec cette tempête je ne puis me protéger contre la fumée de ma cheminée.

- Voulez-vous que j'examine s'il y a quelque chose ?

- Oui, mais ne montes pas sur les toits, tu me ferais plus de frais que de recette, car les maçons vous ne travaillez pas bon marché.

Pierrot s'engouffre dans le porche et trouve dans la cuisine la cheminée ou deux bûches en croix fumaient tristement comme une veilleuse sans huile.

- Je vois d'où cela vient dit-il, allez, nettoyez tous ces embarras, emportez votre marmite, éteignez la braise, balayez le foyer.

Madame Potière, se met à la besogne, elle charrie dans l'arrière cuisine, les pots et la poêle, les broches et les grilles, la chaufferette et le chauffe-casserole.

Alors Pierrot s'approchant de la cheminée s'agenouille devant la tôle, secoue la crémaillère, regarde encore, puis, tout à coup, réclame le seau et deux cruches que madame Potière lui apporte sans se méfier.

Et voici notre homme planté comme un pieu devant la cheminée sans rien dire.

- Alors lui dit-elle, a quoi songes-tu ?

Pierrot ne rêvait pas le coquin; il se met à décrocher la crémaillère, jette au loin le tisonnier, place soigneusement à chaque coin de la cheminée une cruche, avec le seau au milieu de l'âtre et tout doucement gagne la porte en disant:

- Madame Potière croyez-moi, faites désormais brûler vos sarments dans votre évier la cheminée ne fumera plus.

Les pincettes, la pelle, le soufflet volèrent dans le couloir sans atteindre le dos de Pierrot qui pendant 6 mois oncques ne vit plus sur le Planas.

PIERRE EN LIBERTÉ

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